Pourquoi la psychanalyse a-t-elle toute sa place aujourd’hui?
Une société normative fondée sur les peurs, telle que la nôtre, exerce une forte censure et entraine donc beaucoup de refoulement.
Or, le surgissement de ce refoulé ne peut se faire sans heurts. Il signale le déséquilibre, la distorsion entre le réel et l’idéal mis à mal. Le refoulé renait sous forme de symptôme : le symptôme est l’apparition du sujet. Tant que le symptôme existera, la psychanalyse aura sa place.
Le sujet, dans une société qui dévalue l’importance de la vie psychique, est perdu, nié, abandonné. Le sujet se vide.
Le symptôme vient dire l’identité de ce sujet qui sans lui serait vidé de sa substance. Il en est l’expression.
C’est la raison pour laquelle il ne peut pas être combattu, il ne peut pas être éradiqué. Il vient se dire ou dire cette identité qu’il a créée, il exprime ce fond dont il constitue juste l’émanation. Tant que ce fond ne peut s’extraire autrement, ne peut être parlé, conscientisé, il trouvera cet exutoire qu’est le symptôme.
En raison de cela, le symptôme est un élément indissociable de l’être, une part de lui irréductible. Nos fonctionnements sont bâtis à la force de nos symptômes.
Le symptôme se répète inlassablement pour chercher une satisfaction qu’il ne trouve jamais. Or une fois cela dit et compris, le sujet peut enfin vivre. Une fois accepté l’idée que la satisfaction du symptôme en est impossible, le sujet peut dégager toute l’énergie nécessaire pour, en lâchant cette quête, reprendre goût à la diversité de la vie.
Le travail psychanalytique ne peut se mesurer avec des chiffres.
La psychanalyse dialogue avec l’irréductible, avec le caché du symptôme, avec le non mesurable. Elle ne va pas le chercher, ni le combattre. Elle favorise, avec l’écoute, l’acceptation de sa présence, et sa résolution par la connaissance de l’impasse de la répétition.
Seul le ressenti permet de rendre compte du travail psychanalytique. Pour témoigner de la psychanalyse, un niveau sous-jacent au normatif et aux règlements s’exprime.
Le symptôme, répétitif et impossible, génère l’angoisse tant qu’il n’a pas été entendu. Tant qu’il y aura de l’angoisse, il y aura la psychanalyse.
L’encadrement du symptôme ne peut que le renforcer. Il demeure caché, silencieux, un temps, et le refoulement se renforce. Or, la psychanalyse sait que le caché devient de plus en plus puissant. Il s’infiltre et tapisse tous les recoins de la psyché. L’angoisse est alors invasive, mais sa source est totalement occultée, dispersée, invisible.
Le symptôme n’est pas à écarter, mais à écouter, dit la psychanalyse. En ce sens, elle parvient à nouer dialogue avec le symptôme. Et ce dialogue doit permettre au sujet de se rendre compte qu’il est impossible de se débarrasser du symptôme, qu’il fait partie de lui, qu’il a été mis en place pour satisfaire ou tenter de satisfaire son mode pulsionnel le plus exigeant.
La psychanalyse ne s’occupe pas des troubles de comportements, qui sont l’expression concrète et extérieure du symptôme.
Le symptôme en psychanalyse, c’est autre chose. C’est ce désir insatisfait, ce manque fondamental non accepté qui l’a créée. « Si je n’accepte pas la réalité de l’impossibilité de combler mon manque fondamental, je répète inlassablement un acte censé calmer mon angoisse dès que l’idée de l’impossible émerge. »
C’est pour cela que les réponses extérieures ne peuvent être efficaces. Elles contribuent à faire perdurer l’idée qu’il y a possibilité de combler le manque. Et à générer donc d’autres symptômes.
Quelles que soient les tentatives de normalisation, d’embrigadement dans un prêt à penser et un prêt à vivre, l’être a une part de liberté insoupçonnable , prête à surgir. Il ne peut se laisser totaliser, réduire en chiffres. La mémoire, les micro-circulations d’énergie psychique à l’œuvre en permanence, les échanges entre le conscient et l’inconscient font de chaque être un monde d’infinitude absolument différent et singulier.
La psychanalyse témoigne de la valeur et de la richesse de la vie psychique.
Un individu ne peut pas être juste considéré dans sa capacité à apprendre les bons comportements et à s’adapter, en apparence, à la vie en société dans laquelle il baigne. Cette conception est même dangereuse, tant il est vrai que ces tentatives de s’adapter à tout prix, peuvent être parfaitement maitrisées et conduire à un enfermement des souffrances et de l’intériorité telle que leur surgissement entrainera l’éclatement total des digues psychiques.
La psychanalyse témoigne de l’existence d’un monde pulsionnel sous-jacent.
Elle accueille l’émergence des forces psychiques déverrouillées, enrichies de leur part inconsciente.
La psychanalyse donne une place à la dimension traumatique de l’existence humaine, depuis la naissance. Cette dimension reconnue vient enrichir la part symbolique et fantasmatique de l’être.
Quand l’idéologie dominante consiste à nier cette partie traumatique, et considérer que la volonté peut tout (quand on veut, on peut), il y a risque de « robotisation » et d’appauvrissement de la vie psychique.
La psychanalyse est plus que jamais nécessaire dans ce contexte d’objectivation pour continuer à reconnaître la valeur de notre intériorité, notre essence d’être, nos diversités, et nos capacités à créer du merveilleux en nous.